Dans le spectacle vivant, longévité n’est pas toujours signe de qualité, mais lorsqu’il s’agit des créations de la Compagnie Krilati on peut être sûr que c’est immanquablement le cas. C’est ainsi que l’on a pris grand plaisir à retrouver Les K. Petits Plaisirs, déjà vu en plein air et avec d’autres interprètes, et que l’on a (re)éprouvé tout le bonheur qu’il y peut y avoir à assister à un spectacle simple à en être élégant, souriant, plein d’énergie et de volonté de communion avec le public.

Sur la piste, on retrouve l’incontournable Caroline Siméon, co-fondatrice de la Compagnie, mais son comparse Rocco Le Flem tiendra le rôle de veilleur vigilant depuis la régie, empêché par une blessure. Tous les artistes en piste sont impeccables dans leur énergie et dans la qualité de leur exécution, les techniques de cirque diverses s’enchaînant avec l’illusion d’aisance qui est la marque des grands professionnels du spectacle. Les sangles sont absentes de cette version, sans doute du fait de l’absence de Rocco, mais on peut saluer la présence du numéro de fouet, finalement peu courant, les prouesses d’équilibre, l’ébouriffant exercice de mât chinois, la grâce du duo de trapèze final. Tout juste regrettera-t-on que Tarzana Foures n’ait pas été en scène ce jour-là – Amélie Kourim, avec laquelle elle alterne, est pleine de charme et de talent, mais la présence magnétique et comme sauvage de Tarzana, ainsi que sa technique éprouvée, manquent à qui l’a déjà vue dans ce spectacle.

Le spectacle, justement, n’a pas vieilli : à un rythme soutenu mais modulé de variations heureuses, les prouesses alternent avec les numéros comiques. Ca swingue, ça chante, ça vanne, et le public, ravi, répond au doigt et à l’oeil aux sollicitations de Fred Escurat – talentueux Monsieur Loyal, qui se serait doublé d’un jongleur, d’un chanteur, d’un gymnaste… – et se laisse même volontiers inviter sur la piste pour un tour de danse… ou de jonglage! C’est un spectacle avec beaucoup de paroles, contrairement à d’autres œuvres des Krilati, mais il ne sombre pas dans le bavardage. Il a même ses instants de grâce, quand Caroline Siméon donne un nouveau souffle à L’éloge de la fatigue de Robert Lamoureux tandis qu’un exercice d’équilibre particulièrement périlleux s’échafaude à son côté : on touche alors au sublime, le spectateur étant tiraillé entre la délicatesse de la poésie et l’irrésistible fascination face au défi lancé à la gravité. C’est avec la même voix, douce et vibrante, que Caroline Siméon ouvre puis ferme le bal, avec ces derniers mots : « Je n’arrive toujours pas à écrire des poèmes, mais je les sens, là, tout au fond »…

Ainsi en va-t-il de nous, heureux spectateurs : nous ne saurions écrire un spectacle aussi beau, aussi vibrant d’amour pour la piste et pour le public, comme une grande accolade pleine de notes de musique et d’éclats de rire ; mais cet amour et cette poésie offerts sous le chapiteau, nous pouvons les sentir, là, tout au fond…

Les Krilati seront notamment au Cabaret Sauvage le 29 octobre 2015 pour leur Kabaret Swing, une bonne idée de sortie pour dynamiser une soirée d’automne.

Les K. Petits Plaisirs, par la Compagnie Krilati

Ecriture : Caroline Siméon & Fred Escurat
Mise en scène : Caroline Siméon

Avec : Caroline Siméon, Fred Escurat, Elena Dvinina, Bruno Lussier, Vincent Maggioni, Chloé Tribollet, Tarzana Foures ou Amélie Kourim

Visuel: © Hervé Photograff